Douce Liberté désirée Auteur : Philippe Desportes | | | | Déesse, où t'es-tu retirée, Me laissant en captivité ? Hélas! de moi ne te détourne ! Retourne, ô Liberté ! retourne, Retourne, ô douce Liberté. Ton départ m'a trop fait connaître Le bonheur où je voulais être, Quand, douce, tu m'allais guidant : Et que, sans languir davantage, Je devais, si j'eusse été sage, Perdre la vie en te perdant. Depuis que tu t'es éloignée, Ma pauvre âme est accompagnée De mille épineuses douleurs : Un feu s'est épris en mes veines, Et mes yeux, changés en fontaines, Versent du sang au lieu de pleurs. Un soin, caché dans mon courage, Se lit sur mon triste visage, Mon teint plus pâle est devenu : Je suis courbé comme une souche, Et, sans que j'ose ouvrir la bouche, Je meurs d'un supplice inconnu. Le repos, les jeux, la liesse, Le peu de soin d'une jeunesse, Et tous les plaisirs m'ont laissé : Maintenant, rien ne me peut plaire, Sinon, dévot et solitaire, Adorer l'oeil qui m'a blessé. Quel charme, ou quel Dieu plein d'envie A changé ma première vie, La comblant d'infélicité ? Et toi, Liberté désirée, Déesse, où t'es-tu retirée, Retourne, ô douce Liberté ! Liberté précieuse et belle ! Mon coeur est trop fort arrêté : En vain après toi je soupire, Et crois que je te puis bien dire Pour jamais adieu, Liberté. Recueil : Bergeries |