Entrée libre ......
Pour le thème " Entrée libre " de Patricia
Je partage , aujourd'hui avec vous , une étude sur les réalisations picturales des singes.
A Sigean , une exposition sur les peintures des singes a attiré mon attention et aiguisé ma curiosité. Depuis , j'ai lu plusieurs ouvrages scientifiques passionnants et interrogatifs.
Pourquoi n’accorde-t-on généralement aucun intérêt aux "gribouillages" des tout petits enfants jusqu’au moment où ce qui apparaît sur le papier nous semble reconnaissable ? Par contre, nous sommes ébahis par un chimpanzé qui gribouille spontanément sur un papier. Les gribouillages du petit enfant finissent dans la corbeille à papier. En revanche, on considère que les expressions créatrices des singes méritent une place dans un musée.
Dans la relation entre l’homme et l’animal, celle qui existe entre l’homme et le singe a une place particulière. Il ne s’agit pas là du contact effectif mais du singe tel qu’il est perçu par l’homme. Dans l’introduction de son livre intitulé "The monkey in Art", l’auteur, Ptolemy Tomkins, fait référence à l’idée - qui a dominé le monde pendant des siècles - que les singes nous posent un problème pour diviser le monde qui nous entoure en catégories bien définies. Le singe sème la confusion dans l’image que nous avons de nous-mêmes par rapport aux autres êtres vivants.
L’image que les hommes se sont faite des singes au cours des siècles est aussi bien souvent fortement teintée d’émotion. Face au gorille King Kong - personnification de la force sauvage et de la sensualité — se dresse le singe sacré des Hindous (appelé Heolman ou Hanoeman), symbolisant avant tout l’obéissance.
Les singes ont souvent été — surtout en Occident — le symbole représentant autant le côté négatif des hommes que leurs besoins les plus bas ; en Orient, au contraire, on mettait l’accent sur la sagesse que l’on prêtait aux singes.
Depuis cent cinquante ans, notre perception des singes et, en particulier des anthropoïdes, a été fortement transformée par la science. Trois facteurs jouent un rôle déterminant dans cette évolution. En premier lieu, on trouve la théorie de l’évolution de Charles Darwin (1809-1882) publiée en 1859 dans " On the origin of species" (De l’origine des espèces). En second lieu, il y a la naissance de l’éthologie — une branche de la biologie qui étudie le comportement naturel des animaux — à laquelle sont liés les noms de Konrad Lorenz et de Niko Tinbergen. Enfin, la recherche sur les chromosomes — les porteurs de nos caractères héréditaires — a non seulement contribué à l’élargissement de nos connaissances mais aussi à la modification de notre conception de la parenté entre l’homme et l’anthropoïde.
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La biologiste russe Nadjeta Kohts, a observé le comportement du chimpanzé Joni de 1913 à 1916. Elle effectua toutes sortes d’expériences concernant notamment la perception des couleurs et des contrastes. En 1925, elle eu un fils — Roody — dont elle observa et consigna le comportement avec la même précision jusqu’en 1929. Il faudra attendre 1935 pour que Nadjeta Kohts publie les résultats de cette "étude comparative". Cette biologiste fait partie des premiers scientifiques qui ont également mis en parallèle les gribouillages d’un chimpanzé et d’un tout petit enfant. Nadjeta Kohts en signala l’intérêt mais ne traita pas la question plus à fond. En sa qualité de scientifique, elle ne se laissa pas aveugler par un enthousiasme débordant sur tous les points communs constatés entre le chimpanzé Joni et son propre fils Roody. Dans la conclusion de sa publication relative à cette étude comparative, elle en souligne également les différentes essentielles.
La naissance de l’éthologie fut accessible au grand public par des ouvrages impressionnants, écrits par des femmes essentiellement, qui avaient étudié pendant des années et souvent au péril de leur vie le comportement des chimpanzés, des orangs-outangs, des gorilles et des bonobos (chimpanzés pygmées) dans la nature. On donna un nom à ces anthropoïdes correspondant chacun à un caractère et une histoire propre, ce qui eu pour effet de rapprocher encore davantage ces animaux des hommes.
Dans l’étude sur les gribouillages des singes anthropoïdes aussi, il convient de garder continuellement à l’esprit cette notion d’environnement "non naturel" qui sert de cadre à ce type d’expression. Dans la nature, ces animaux ne dessinent et ne peignent pas, peut-être parce qu’ils ne disposent pas de matériel pour ce faire. Ceci met l’accent d’ailleurs sur l’importance du matériel .
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Après la publication de la théorie de l’hérédité de Charles Darwin et la naissance de l’éthologie, la recherche sur les éléments porteurs des caractères héréditaires — l’ADN — provoqua de nouveau une grande consternation : l’homme et le chimpanzé ont peut-être bien suivi un développement respectif au cours de l’évolution qui a commencé par un ancêtre commun il y a environ 6 millions d’années, force est de constater cependant que la différence entre leur ADN n’est que de 1,6%. Tant qu’il s’agissait de savoir si ce sont les singes anthropoïdes qui sont proches des hommes ou l’inverse, on était dans le domaine de l’hypothèse, des spéculations et des sentiments.
Il y a cependant de bonnes raisons de supposer que les gribouillages des anthropoïdes ne sont pas nés d’un pur hasard. D’ailleurs un argument important a déjà été fourni sur ce point : il faut une grande coordination pour ne pas déborder de la feuille de papier avec un crayon ou un pinceau. Un second argument porte sur le fait que les singes anthropoïdes respectent les bords de la feuille de papier ou de carton qu’on leur a donnée même si celle-ci est posée sur un support sur lequel les animaux pourraient aussi dessiner. Le troisième argument est constitué par les formes récurrentes des gribouillages, en particulier chez les chimpanzés. Il s’agit en général de boucles et de structures en éventail tracées à partir d’un seul point précis qui se trouve souvent au centre inférieur de la feuille. Ces structures en éventail donnent l’impression que le chimpanzé veut gribouiller ou barbouiller sur la feuille toute entière, tendance qui se retrouve souvent chez le petit enfant de deux ans .
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Cela n’empêche pas que les singes anthropoïdes, tout comme les tout petits enfants, peuvent réaliser des gribouillages avec une concentration extrême et une application remarquable. De même, il est tout autant remarquable que ce n’est pas le résultat qui compte mais l’activité en soi. A l’instar des tous petits enfants qui déchirent ou détruisent au dernier moment leurs dessins ou leurs peintures,, les singes anthropoïdes mangent par fois leurs gribouillages. L’activité qui consiste à peindre ou dessiner est manifestement si satisfaisante que l’on n’a pas besoin de stimuler ces animaux, pas plus que ces petits enfants, par la perspective d’une récompense. Il semble bien que cette activité est le moyen d’exprimer un certain besoin de créer.
Les gribouillages des singes anthropoïdes et ceux des très jeunes enfants présentent des similitudes frappantes dès le premier coup d’oeil. Ces similitudes sont d’ailleurs logiques puisqu’on retrouve de fortes ressemblances du point de vue anatomique et physiologique. Bien entendu, il existe aussi des différences essentielles ...........
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Etude réalisée par Ignace Schretlen